
UBS conteste le plan suisse qui pourrait augmenter les exigences de capital de 25 milliards de dollars et entraîner la relocalisation du siège social
Affrontement Capital : UBS se bat contre les régulateurs suisses à propos d’une proposition choc de 25 milliards de dollars
Une guerre froide au sein de la finance suisse
L’assemblée générale annuelle d’UBS à Zurich, généralement une scène de consensus et d’approbation des actionnaires, s’est transformée en quelque chose qui ressemblait davantage à une déclaration de guerre.
Le langage du président Colm Kelleher ne laissait aucun doute : les réformes du capital proposées par la Suisse ne sont pas seulement « extrêmes », mais constituent une menace directe pour le modèle commercial d’UBS, la valeur actionnariale et son identité géographique même.
Derrière sa rhétorique se cache une vérité plus profonde : une fracture s’est ouverte entre un système réglementaire national qui tente de pérenniser son économie et une mégabanque mondiale qui estime être acculée à l’insignifiance commerciale.
I. Point de tension structurel : 25 milliards de dollars de capital, augmentation de 50 % du ratio CET1
Qu’est-ce qui est réellement proposé ?
Selon Bloomberg, le gouvernement suisse, soutenu par les régulateurs et la Banque nationale suisse, a mis en avant un ensemble de réformes qui obligeraient UBS à soutenir pleinement ses filiales étrangères avec du capital de base. Cette disposition à elle seule pourrait augmenter les exigences de capital d’UBS de 25 milliards de dollars, ce qui porterait son ratio CET1 de 14 % à 20 % dans le pire des cas.
Pour contextualiser :
- La norme internationale Bâle III pour le CET1 est d’environ 10,5 % (y compris les coussins de sécurité).
- Les pairs mondiaux (JPMorgan Chase, HSBC, BNP Paribas) fonctionnent généralement à 13–14 %.
- Un CET1 de 20 % placerait UBS comme la banque importante la plus prudente au monde en matière de capitalisation, et de loin.
Le saviez-vous ? Le ratio Common Equity Tier 1 (CET1) est une mesure clé de la solidité financière d’une banque, calculée en divisant son capital de la plus haute qualité (comme les actions ordinaires et les bénéfices non distribués) par ses actifs pondérés en fonction des risques. Il indique dans quelle mesure une banque peut absorber les pertes en période de tensions financières, des ratios plus élevés signalant une plus grande résilience. En vertu des réglementations de Bâle III, les banques doivent maintenir un ratio CET1 minimum de 4,5 %, plus des coussins supplémentaires pour les grandes institutions. Les investisseurs et les régulateurs utilisent ce ratio pour évaluer la stabilité d’une banque, tandis que les banques l’améliorent en conservant les bénéfices, en émettant des actions ou en réduisant les actifs risqués. C’est un outil essentiel pour assurer la stabilité financière mondiale !
UBS qualifie la mesure de commercialement non viable. La banque fait valoir qu’une telle mesure immobiliserait des capitaux qui pourraient autrement être utilisés pour les fusions et acquisitions, les rendements aux actionnaires, l’infrastructure numérique ou l’expansion internationale.
Et le capital n’est pas gratuit.
« Détenir du capital inactif à ces niveaux est un frein direct au rendement des capitaux propres. Cela transforme le modèle suisse en un bunker défensif tandis que les concurrents construisent des empires », a déclaré un analyste bancaire basé à Zurich.
II. Diagnostics concurrents : Crise mal diagnostiquée, politique mal alignée
Credit Suisse n’est pas mort à cause de problèmes de capital, selon UBS
La riposte stratégique d’UBS est axée sur le récit de l’effondrement de Credit Suisse. La banque insiste sur le fait que la disparition n’était pas due à des insuffisances de capital (la banque était conforme à Bâle jusqu’à la fin), mais à un échec stratégique, une détérioration de la culture du risque et une érosion du modèle économique.
Les régulateurs voient les choses différemment. Ils soutiennent que l’entité combinée UBS-CS est désormais trop grande pour absorber les pertes de manière organique, en particulier dans ses vastes opérations à l’étranger. En obligeant UBS à financer ces branches avec une couverture intégrale en capital, ils espèrent bloquer le risque avant qu’il ne se propage.
Tableau : Résumé des principales caractéristiques du cadre de Bâle III
Caractéristique | Description |
---|---|
Exigences de fonds propres | Augmentation du capital de base minimum à 4,5 %, ajout d’un coussin de conservation du capital de 2,5 % et introduction d’un coussin contracyclique (0 %-2,5 %). |
Ratio de levier | Introduction d’un ratio de levier non basé sur le risque d’au moins 3 % pour limiter les emprunts excessifs. |
Ratio de couverture de liquidité | Oblige les banques à détenir suffisamment d’actifs liquides de haute qualité pour couvrir 30 jours de sorties nettes de trésorerie en situation de crise. |
Ratio de financement stable net | Garantit que les banques maintiennent un financement stable pour une période d’un an dans des conditions de crise prolongées. |
Gestion des risques | Exigences plus strictes pour la gestion des risques de crédit, de marché et opérationnels, avec une transparence accrue. |
Calendrier de mise en œuvre | Mise en œuvre progressive à partir de 2013, avec adoption complète et réformes finales dans le cadre du « Dénouement de Bâle III ». |
Mais UBS soutient que cette logique est à l’envers.
« Vous résolvez la dernière crise en surcapitalisant la prochaine », a déclaré un ancien cadre supérieur d’UBS connaissant bien sa stratégie d’intégration.
⚖️ III. Comportement institutionnel et incitations au risque
🔍 Capital contre gouvernance : Qu’est-ce qui est vraiment plus sûr ?
Il s’agit de plus qu’un débat sur l’adéquation des fonds propres : c’est une lutte de philosophies de gouvernance des risques.
- Les régulateurs estiment que les coussin statiques de capital offrent une assurance systémique.
- UBS estime qu’une gouvernance dynamique, des tests de résistance et la discipline du marché sont mieux adaptés à la finance mondiale moderne.
Tableau : Principaux défis en matière de gouvernance des risques et de conformité dans le secteur bancaire
Défi | Description |
---|---|
Évolution de la réglementation | Les lois en constante évolution (p. ex. LBC, RGPD) obligent les banques à s’adapter rapidement et à éviter les pénalités. |
Produits financiers complexes | Les produits et technologies sophistiqués (p. ex. crypto, IA) introduisent de nouveaux risques de conformité. |
Opérations mondiales | Les réglementations contradictoires entre les juridictions créent des défis pour les banques multinationales. |
Culture de risque faible | Des structures de gouvernance inefficaces et une mauvaise intégration de la gestion des risques entravent une action proactive. |
Limitations des ressources | Un personnel qualifié insuffisant et des programmes de conformité sous-financés créent des inefficacités. |
Coûts élevés de la conformité | La mise en œuvre de cadres robustes et d’outils d’automatisation nécessite un investissement financier important. |
La divergence des incitations est tout aussi frappante :
- Les régulateurs sont incités à éviter les renflouements publics à tout prix.
- UBS est incitée à optimiser le ROE et à maintenir l’attrait des investisseurs, en particulier après l’absorption de Credit Suisse.
Le rendement des capitaux propres (ROE) est un indicateur financier clé qui mesure la rentabilité d’une entreprise par rapport aux capitaux propres de ses actionnaires. La compréhension de sa formule et de sa signification révèle l’efficacité avec laquelle la direction utilise le financement par actions pour générer des bénéfices, soulignant son importance pour l’évaluation des performances, en particulier pour les investisseurs et les analystes.
De plus, l’augmentation du CET1 découragerait les rachats d’actions, limiterait les politiques de dividendes et pourrait déprimer les indicateurs de valorisation boursière d’UBS, notamment le ratio cours/valeur comptable et le ROE.
« Le capital est un coussin, mais aussi une taxe sur la croissance », a déclaré un gestionnaire de portefeuille basé à Londres qui suit les banques mondiales.
Rendement des capitaux propres (ROE) historique d’UBS par rapport aux principales banques mondiales comparables.
Nom de la banque | Année | Rendement des capitaux propres (ROE) (%) |
---|---|---|
UBS Group AG | 2024 | 5,93 %/4,7 %/2,22 % |
JPMorgan Chase | 2024 | ~17,1 % |
HSBC Holdings | 2024 | ~12,75 % |
Banques européennes | T4 2024 | ~9,3 % |
IV. Arbitrage géopolitique et concurrentiel
Une traction mondiale de la réglementation
Ce que les commentaires de Kelleher laissaient entendre, et ce que les initiés confirment, est une préoccupation plus large : l’arbitrage réglementaire.
Saviez-vous que l’arbitrage réglementaire permet aux entreprises et aux institutions financières d’exploiter les différences de lois et de réglementations entre les pays ou les régions pour obtenir des avantages, tels que la réduction des coûts ou l’évitement de règles plus strictes ? Par exemple, les entreprises peuvent déplacer leurs activités vers des juridictions favorables à la fiscalité ou opérer dans des zones où la surveillance financière est laxiste. Bien que légale, cette pratique est souvent critiquée pour avoir sapé l’intention des réglementations, créé une concurrence déloyale et accru les risques systémiques. Pour lutter contre cela, les efforts mondiaux se concentrent sur l’harmonisation des réglementations et le renforcement de l’application afin de combler ces lacunes.
Alors que la Suisse prend des mesures pour resserrer la réglementation, les États-Unis et le Royaume-Uni vont dans l’autre sens, en revoyant certains aspects des régimes Dodd-Frank et PRA postérieurs à la crise. L’implication : la Suisse risque un isolement capitalistique auto-imposé.
Tableau : Comparaison des tendances générales des exigences de fonds propres des banques en Suisse, aux États-Unis, au Royaume-Uni et dans l’UE (2025)
Région | Calendrier de mise en œuvre | Exigences de fonds propres | Principales caractéristiques |
---|---|---|---|
Suisse | 1er janvier 2025 | 13 % à 21,5 % des actifs pondérés en fonction des risques pour les banques d’importance systémique (BIS), plus strictes que Bâle III | Des exigences plus élevées pour UBS après le rachat de Credit Suisse ; une adoption précoce pourrait affecter la compétitivité. |
États-Unis | À partir de juillet 2025 | Ratio CET1 de ~11,54 % pour les G-SIB | Accent mis sur les tests de résistance (coussin de capital de résistance) ; exclut les risques opérationnels dans l’adoption de Bâle III. |
Union européenne | 1er janvier 2025 (retards partiels) | Ratio CET1 de ~11,58 % pour les G-SIB | Intègre les risques opérationnels ; mise en œuvre progressive du « plancher de production » pour limiter les modèles internes. |
Royaume-Uni | Mi-2025 | Semblable à l’UE, mais les détails spécifiques sont en attente | Flexibilité post-Brexit ; susceptible de s’aligner sur l’UE tout en reflétant les priorités nationales. |
- Le signal de rachat d’actions (3 milliards de dollars en 2025) est un contraste intentionnel : un message aux marchés selon lequel UBS se considère comme saine, bien gérée et compétitive à l’échelle mondiale, même si les régulateurs font pression pour obtenir des coussins plus importants.
- La relocalisation du siège social, bien que formulée diplomatiquement, est désormais un scénario opérationnel en vertu de la modélisation interne, selon plusieurs personnes connaissant bien la planification d’urgence d’UBS.
La relocalisation impliquerait probablement :
- Un transfert de domicile vers une juridiction dotée de règles de capital harmonisées à l’échelle internationale ;
- Un transfert de l’infrastructure de gouvernance (conseil d’administration, comité exécutif) ;
- Et, surtout, une renégociation des responsabilités réglementaires avec la FINMA suisse et la BNS.
« Ce n’est pas une menace, c’est une question d’équilibre », a déclaré une personne proche du service juridique d’UBS.
V. Fragilité systémique contre force institutionnelle
UBS est-elle trop grande pour être réglementée ?
UBS n’est pas seulement « trop grande pour faire faillite ». Elle est peut-être désormais trop grande pour être réglementée efficacement à partir d’une seule juridiction nationale.
« Trop grand pour faire faillite » (Too Big to Fail, TBTF) décrit les institutions financières, souvent de grandes banques, dont la taille et l’interconnexion signifient que leur faillite pourrait déclencher un effondrement dévastateur du système financier au sens large (risque systémique). Par conséquent, les gouvernements pourraient intervenir avec des renflouements pour éviter une telle crise, estimant que l’institution est trop intégrée à l’économie pour la laisser faire faillite.
En absorbant Credit Suisse, UBS est effectivement devenue le plus grand employeur, contribuable et institution systémique de Suisse, tout à la fois. Cela crée un risque de concentration pour l’État, pas seulement pour les actionnaires.
Actifs totaux d’UBS en pourcentage du PIB suisse avant et après l’acquisition de Credit Suisse.
Entité/Période | Actifs totaux (environ en CHF) | PIB suisse (environ en CHF) | Actifs en % du PIB (environ) |
---|---|---|---|
UBS (fin 2022) | ~1,03 billion | ~781 milliards | 132 % |
Credit Suisse (fin 2022) | ~531 milliards | ~781 milliards | 68 % |
UBS combinée (après l’acquisition) | ~1,6 billion (USD) | ~885 milliards (USD, 2023) | ~200 % |
Les autorités suisses tentent de reconstituer la résilience après coup, mais ce faisant, elles pourraient construire une architecture de capital qui rend la Suisse moins attrayante pour les entreprises mêmes qu’elle espère conserver.
Le danger réside dans les boucles de rétroaction réglementaires :
- Règles de capital excessives →
- Érosion de la compétitivité →
- Repli stratégique ou relocalisation →
- Atteinte au statut de centre financier →
- Concentration encore plus importante des risques chez un nombre réduit d’acteurs ou de zones géographiques.
VI. Implications sur le marché : Incertitude, compression du ROE, élargissement possible des écarts de crédit
Pour les investisseurs en actions et en obligations :
- Le risque de dilution des actionnaires est réel si UBS est obligée de mobiliser des capitaux supplémentaires par le biais d’une émission plutôt que par des bénéfices non distribués.
- La compression du ROE est probable : une base de capital plus élevée sans expansion correspondante des bénéfices signifie des rendements plus faibles.
- Les multiples de valorisation peuvent se contracter, en particulier le ratio cours/valeur comptable et le ratio cours/bénéfice, à mesure que la pression réglementaire s’intensifie.
- Les écarts de crédit peuvent s’élargir si les marchés interprètent les changements réglementaires comme un prélude à des dégradations de la part des agences de notation (malgré un capital plus élevé).
Évolution des écarts des Credit Default Swap (CDS) d’UBS au cours de la dernière année.
Date | Écart du CDS à 5 ans d’UBS (EUR, points de base) | Notes |
---|---|---|
~Mars 2024 | ~43,24 | Point de données d’Investing.com, reflétant une période relativement stable. |
~Août 2024 | ~59,16 | Point le plus élevé des 52 dernières semaines signalé par Investing.com (au 8 avril 2025). |
8 avril 2025 | 59,16 | Dernières données disponibles d’Investing.com pour le CDS à 5 ans libellé en EUR. |
10 avril 2025 | ~56,24 | Investing.com UK a affiché une valeur récente légèrement inférieure (horodatage des données incertain). |
Remarque : les écarts de CDS indiquent la perception du marché du risque de crédit. Des points de base (pdb) plus élevés suggèrent un risque perçu plus élevé. La disponibilité des données peut varier, et les valeurs présentées sont basées sur les résultats de recherche disponibles qui peuvent présenter de légères divergences ou des retards.
VII. Quelles sont les prochaines étapes : Bataille parlementaire de mai, poussée de lobbying, diplomatie réglementaire
Chronologie :
- 10 avril 2025 : Kelleher dénonce les réformes lors de l’assemblée générale annuelle.
- Mai 2025 : Le Parlement suisse entame un débat officiel.
- T2–T3 2025 : UBS continuera à faire du lobbying, augmentant éventuellement la pression internationale par le biais de canaux diplomatiques et économiques.
Stratégie d’UBS :
- Tirer parti de la modélisation des données pour démontrer l’impact disproportionné sur le capital.
- Mettre en évidence les incohérences mondiales dans les régimes de capital.
- Positionner UBS comme une victime du succès, pas comme un vecteur de risque.
⚖️ Stratégie du régulateur suisse :
- Ancrer les messages publics autour du traumatisme de Credit Suisse.
- Présenter les réformes comme une pérennisation, pas comme une punition.
- Mettre l’accent sur l’atténuation de l’aléa moral et la protection des contribuables.
VIII. Un système sous tension, une banque assiégée
Il ne s’agit plus d’un débat sur les ratios CET1.
Il s’agit d’un test de résistance géopolitique, institutionnel et systémique : pour la crédibilité réglementaire de la Suisse, la latitude stratégique d’UBS et l’architecture de la surveillance bancaire post-crise à l’échelle mondiale.
Si UBS reste, elle reste diminuée.
Si elle part, le prestige financier de la Suisse la suit à la porte.
Comme l’a dit un stratège :
« Il ne s’agit pas seulement de capital. Il s’agit de contrôle. »
Et en fin de compte, c’est ce pour quoi UBS et ses régulateurs se battent réellement.