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La Thaïlande coupe l'électricité à la frontière du Myanmar pour lutter contre la cybercriminalité, mais cela pourrait ne pas fonctionner du tout
La Thaïlande coupe l'électricité à la frontière du Myanmar pour lutter contre la cybercriminalité, mais cela fonctionnera-t-il ?
La Thaïlande a officiellement coupé l'alimentation électrique de cinq points frontaliers avec le Myanmar le 5 février à 9 heures du matin. Cette décision, approuvée par le Conseil national de sécurité thaïlandais, vise à perturber les réseaux opérationnels des organisations criminelles opérant dans les zones frontalières du Myanmar où règne l'anarchie. Cependant, les critiques soutiennent que cette mesure est plus symbolique qu'efficace, car les réseaux de fraude se sont déjà adaptés à de telles perturbations.
Une manœuvre stratégique ou un geste futile ?
Selon le directeur de l'Autorité provinciale d'électricité de Thaïlande, la coupure de courant affecte les États Môn, Shan et Karen du Myanmar, en particulier dans des zones telles que Tachilek et Myawaddy, connues pour être des points chauds pour les réseaux d'escroquerie. La coupure d'électricité affecte une alimentation totale de 20,37 mégawatts.
Cette action fait suite aux accords de longue date conclus entre la Thaïlande et le Myanmar, qui remontent à 1992 et 1994, autorisant les ventes d'électricité transfrontalières. En vertu du contrat, la Thaïlande a le droit de mettre fin unilatéralement à l'approvisionnement en cas de violation des réglementations, une clause qui est maintenant exercée en réponse à la cybercriminalité galopante.
Bien que cette initiative signale l'engagement de la Thaïlande à lutter contre la criminalité transnationale, les experts préviennent qu'elle pourrait ne pas produire les résultats escomptés. Au lieu de cela, l'impact pourrait être limité, affectant davantage les civils et les entreprises que les réseaux de cybercriminels qu'elle vise à démanteler.
Les réseaux de cybercriminalité sont résilients et préparés
Les réseaux de fraude transnationaux opérant dans les régions frontalières du Myanmar sont très organisés, adaptables et financièrement résilients. Dans notre interview exclusive d'aujourd'hui, des employés qui se sont échappés de ces centres d'escroquerie ont révélé que les criminels avaient anticipé les perturbations de l'alimentation électrique et mis en œuvre des plans d'urgence pour assurer la continuité des opérations.
- Générateurs diesel et énergies alternatives : Les centres d'escroquerie fonctionnent comme des micro-États autonomes, équipés de générateurs diesel de taille industrielle et de vastes réserves de carburant. Une coupure de courant en provenance de Thaïlande sera probablement un inconvénient mineur plutôt qu'un bouleversement majeur.
- Internet par satellite et technologie Starlink : Les fraudeurs se sont détournés de leur dépendance aux fournisseurs d'accès à Internet locaux. Beaucoup utilisent désormais Starlink d'Elon Musk, qui offre un accès Internet haut débit par satellite, indépendant de l'infrastructure traditionnelle. Cela leur permet de fonctionner de manière transparente malgré les coupures de courant ou de réseau.
Conséquences imprévues : qui souffre réellement ?
Alors que les réseaux d'escroquerie restent opérationnels, les entreprises légitimes et les communautés locales subiront le plus gros de la coupure de courant.
- Perturbations pour les entreprises légales et les communautés : De nombreuses villes frontalières dépendent de l'électricité thaïlandaise pour leurs activités quotidiennes. Cela comprend les usines, les entreprises agricoles et les services essentiels qui sont désormais confrontés à une incertitude économique.
- Coup de pouce à l'économie parallèle du Myanmar : La demande de sources d'énergie alternatives alimentera probablement le commerce du marché noir, au profit des entreprises illicites et des chefs de guerre liés à l'armée du Myanmar.
- Propres risques de sécurité de la Thaïlande : En coupant l'électricité, la Thaïlande risque de repousser les réseaux d'escroquerie plus loin à l'intérieur du Myanmar, voire de les ramener sur le territoire thaïlandais, exacerbant ainsi les problèmes de sécurité au lieu de les résoudre.
Que devrait faire la Thaïlande à la place ?
Les experts suggèrent qu'une approche plus stratégique et multidimensionnelle est nécessaire pour lutter efficacement contre la cybercriminalité. Au lieu de se concentrer sur l'approvisionnement en énergie, la Thaïlande devrait envisager les alternatives suivantes :
- Cibler les réseaux financiers et le blanchiment d'argent : Les réseaux de cybercriminalité dépendent fortement des transactions bancaires internationales et des crypto-monnaies. Perturber ces réseaux financiers causerait plus de dommages qu'une coupure de courant temporaire.
- Réglementer Starlink et l'accès à Internet : Étant donné que de nombreux réseaux de fraude fonctionnent via Starlink, des réglementations plus strictes sur sa distribution en Asie du Sud-Est pourraient contribuer à freiner leurs activités.
- Améliorer la collaboration régionale en matière d'application de la loi : L'anarchie au Myanmar alimente le problème. Un renforcement du partage de renseignements et des opérations de répression conjointes impliquant la Chine, les nations de l'ASEAN et les groupes de travail sur la cybercriminalité auraient un impact plus durable.
Verdict final : une mesure symbolique à l'impact limité
Bien que la décision de la Thaïlande de couper l'électricité aux régions frontalières du Myanmar souligne son engagement à lutter contre la cybercriminalité, cette mesure est largement symbolique. Les réseaux de fraude se sont déjà adaptés, et cette mesure pourrait nuire par inadvertance aux entreprises légitimes et aggraver l'instabilité régionale.
Si la Thaïlande veut vraiment lutter contre la cyberfraude transnationale, elle doit passer des actions de représentation à des interventions financières ciblées, à des réglementations plus strictes en matière d'Internet et à une coopération internationale en matière d'application de la loi. D'ici là, les fraudeurs gardent plusieurs longueurs d'avance dans ce jeu de chat et de souris à enjeux élevés.