La Russie saisit 26 milliards de dollars d'actifs alors que Poutine renforce son emprise sur l'économie

Par
Victor Petrov
7 min de lecture

La campagne de nationalisation russe à 26 milliards de dollars : Un avertissement pour les investisseurs ?

L'homme de main de Poutine renforce l'emprise du Kremlin sur l'économie

La Russie a intensifié sa campagne de saisies d'actifs, en nationalisant 2 400 milliards de roubles (environ 26 milliards de dollars) rien qu'en 2024, marquant un tournant décisif dans le contrôle économique sous la direction de Vladimir Poutine. L'opération, menée par le procureur général Igor Krasnov, signale l'intensification des efforts du Kremlin pour remodeler l'élite économique du pays et garantir des ressources financières dans un contexte de tensions budgétaires croissantes.

Selon le rapport de Krasnov à Poutine lors d'une réunion élargie du bureau du procureur général russe, le gouvernement a pris le contrôle de cinq entreprises d'importance stratégique, dont quatre étaient détenues par des étrangers. La justification ? Ces entreprises auraient exporté des produits stratégiques vers des nations "hostiles" tout en finançant indirectement les efforts militaires de l'Ukraine.

Le soutien de Poutine à cette répression met en évidence une stratégie économique plus large : réorienter les ressources pour soutenir les dépenses militaires, consolider le contrôle de l'État sur les secteurs clés et renforcer la loyauté de l'élite économique russe. Mais au-delà des frontières de la Russie, ces mesures sont suivies avec une inquiétude croissante par les investisseurs mondiaux et les multinationales qui opèrent encore dans le pays.


Une bouée de sauvetage pour l'économie de guerre russe ?

L'ampleur de la nationalisation est stupéfiante. 2 400 milliards de roubles représentent près de 18 % du budget militaire russe prévu pour 2024, qui a grimpé à 13 500 milliards de roubles (145 milliards de dollars), soit près de quatre fois son niveau d'avant-guerre en 2021.

Cette saisie agressive d'actifs intervient alors que la Russie est aux prises avec un resserrement économique causé par les sanctions occidentales et la chute des revenus pétroliers. Depuis le début de l'année 2024, les prix du pétrole brut de l'Oural sont passés de 70 à 54 dollars le baril, ce qui réduit considérablement la principale source de revenus en devises étrangères de la Russie. Pour compenser, Moscou a été contraint de puiser dans son fonds souverain, réduisant ainsi ses réserves disponibles de 9 990 milliards de roubles à 5 800 milliards de roubles, le niveau le plus bas depuis janvier 2019.

Des initiés du Kremlin indiquent que si les prix du pétrole restent déprimés à 50 dollars le baril, le fonds souverain pourrait ne durer que 12 mois supplémentaires. Compte tenu de ce contexte financier, la saisie d'actifs et la redistribution de la richesse des oligarques politiquement peu fiables ne sont pas seulement une manœuvre stratégique, mais une nécessité.


Qui perd et qui gagne ?

La campagne de nationalisation ne vise pas seulement à stimuler les finances de l'État. Elle sert également un objectif politique : redéfinir le paysage économique russe. Le Kremlin a recentré son attention sur l'expropriation des actifs des oligarques perçus comme politiquement peu fiables, tout en récompensant ceux qui font preuve d'une loyauté absolue.

Les médias russes rapportent qu'en 2024 seulement, au moins 67 entreprises ont été nationalisées sous le prétexte de lois anticorruption, de réexamen des privatisations controversées des années 1990 ou d'accusations de soutien à des activités extrémistes.

Parmi les personnalités les plus notables qui mettent en œuvre ces politiques, on trouve Igor Krasnov, le procureur général de 50 ans qui a fait carrière en enquêtant sur des affaires très médiatisées impliquant la corruption et la dissidence politique. Depuis sa promotion en 2020, Krasnov a mis en place un cadre juridique qui permet à l'État de contester rétroactivement la propriété privée, une mesure qui a inquiété même les alliés de longue date de Poutine dans le monde des affaires russe.

Ce processus rappelle les années 2000, lorsque Poutine a démantelé le pouvoir des oligarques originaux de Russie, tels que Mikhaïl Khodorkovski. Aujourd'hui, une nouvelle génération de personnalités du monde des affaires liées au pouvoir politique est sur le point d'hériter des actifs lucratifs de leurs prédécesseurs.

Un exemple clair : le retournement de la nationalisation de Danone. En juillet 2023, le Kremlin a saisi la filiale russe du géant alimentaire français, la plaçant temporairement sous contrôle fédéral. Cependant, en mars 2024, les opérations russes de la société ont été brusquement cédées à une petite entreprise laitière du Tatarstan liée au pouvoir politique, étroitement liée à la direction tchétchène sous Ramzan Kadyrov.

Cette redistribution sélective souligne la nature à deux vitesses de la restructuration économique de la Russie :

  • Les oligarques obéissants - ceux qui s'alignent sur le Kremlin - conservent leur richesse ou sont récompensés par des actifs de valeur.
  • Les oligarques défiants, ou ceux qui ont des liens avec l'Occident, sont confrontés à des saisies d'actifs, à l'exil, voire pire.

Ce que cela signifie pour les investisseurs et les entreprises étrangères

1. Risque croissant pour les multinationales

Pour les entreprises qui opèrent encore en Russie, les implications sont claires. L'approche du Kremlin démontre que même les grandes entreprises étrangères ne sont pas à l'abri de l'expropriation. Celles qui ont des actifs dans des secteurs sensibles sur le plan stratégique - énergie, défense, chaînes d'approvisionnement alimentaire et banque - sont particulièrement vulnérables.

Alors que certaines entreprises ont réussi à négocier des "sorties en douceur" en vendant à des prix fortement réduits, d'autres ont été confrontées à des saisies pures et simples sans compensation. Le cas de BP, dont la participation de 25 milliards de dollars dans Rosneft a été gelée, sert de mise en garde pour ceux qui pensent pouvoir opérer en Russie sans conséquences politiques.

2. Érosion des protections juridiques

L'application rétroactive des lois sur la nationalisation signifie que même les entreprises qui opèrent dans des cadres juridiques depuis des décennies peuvent se retrouver soudainement en danger. Cette incertitude oblige les entreprises soit à céder leurs actifs de manière préemptive, soit à négocier leur conformité avec les autorités étatiques.

Les dirigeants du secteur privé recherchent de plus en plus des partenaires locaux ayant des liens politiques forts, mais, comme l'illustre le cas Danone, même ces relations peuvent ne pas suffire à garantir une stabilité à long terme.

3. Effet dissuasif sur les entreprises nationales et l'innovation

Pour les entrepreneurs russes, le message est clair : l'investissement à long terme dans des entreprises privées comporte un risque important, à moins qu'il ne soit directement approuvé par le Kremlin. Cette incertitude étouffe l'innovation et les investissements directs étrangers, ce qui conduit probablement à une dépendance excessive à l'égard des industries étatiques, telles que la production militaire et l'extraction des ressources.


Quelle est la prochaine étape ?

Court terme : Marge de manœuvre financière du Kremlin

À court terme, la campagne de nationalisation de la Russie contribuera à stabiliser les recettes de l'État en réorientant les bénéfices des entreprises vers des entités contrôlées par le gouvernement. Cela donne au Kremlin une marge de manœuvre pour financer les opérations militaires, maintenir la stabilité intérieure et contrer les sanctions occidentales.

Moyen à long terme : Une économie plus isolée et déformée

Cependant, les implications à long terme sont plus préoccupantes :

  • La fuite des capitaux va s'accélérer : Les Russes riches qui craignent l'expropriation continueront à déplacer leurs actifs à l'étranger, ce qui drainera davantage les investissements nationaux.
  • Les investissements étrangers vont se tarir : La prime de risque sur les actifs russes augmentera, ce qui découragera les futures transactions avec les entreprises internationales.
  • La croissance économique va stagner : Avec l'érosion de la confiance du secteur privé, la croissance économique va probablement se tourner vers les entreprises contrôlées par l'État, en mettant l'accent sur la production militaire et industrielle au détriment des industries axées sur la consommation.

Conséquences géopolitiques

L'évolution de la Russie vers l'isolement économique reflète les tactiques observées en Iran et au Venezuela, où l'intervention de l'État dans les entreprises privées a conduit à l'inefficacité, à la corruption et à la stagnation économique. Si le gouvernement de Poutine poursuit dans cette voie, l'économie russe pourrait de plus en plus ressembler à une économie de commandement en temps de guerre, privilégiant les besoins de l'État par rapport à l'innovation axée sur le marché.


Un avertissement aux investisseurs mondiaux

Pour les entreprises et les investisseurs, la saisie par la Russie de 26 milliards de dollars d'actifs n'est pas seulement une affaire intérieure, c'est un avertissement mondial. La volonté du Kremlin de passer outre les droits de propriété établis dans la poursuite d'objectifs financiers et politiques à court terme présente un risque croissant pour les entreprises étrangères et nationales.

À mesure que l'intervention de l'État s'intensifie, les investisseurs doivent peser les perspectives décroissantes de stabilité à long terme par rapport à l'appétit croissant du Kremlin pour le contrôle économique. L'ère des conditions d'investissement prévisibles en Russie est révolue - et ceux qui ne reconnaissent pas ce changement pourraient voir leurs actifs parmi les prochains à être réclamés.

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