
Le secteur informatique japonais a du mal à se moderniser à cause des anciens systèmes et d'une culture qui n'aime pas le risque
Pourquoi le secteur informatique japonais est à la traîne, et ce qui doit changer
Une nation à la pointe du matériel, mais avec un logiciel stagnant
Le Japon est depuis longtemps synonyme d'innovation technologique. Du Walkman aux trains à grande vitesse, ses prouesses en ingénierie ont façonné des industries dans le monde entier. Pourtant, dans le secteur informatique – où le logiciel est le moteur de l'avenir – le Japon est nettement en retard par rapport aux États-Unis et à la Chine. Alors que la Silicon Valley et Shenzhen produisent des géants technologiques mondiaux, le Japon reste ancré dans des systèmes existants et des structures d'entreprise réticentes à prendre des risques.
Ce décalage soulève une question cruciale : Pourquoi un pays réputé pour sa fabrication de pointe ne parvient-il pas à être un leader dans l'innovation logicielle ? La réponse réside dans une combinaison d'infrastructures obsolètes, de rigidité culturelle et d'obstacles systémiques qui inhibent la croissance agile et disruptive nécessaire pour être compétitif dans l'économie numérique actuelle.
Le problème de l'héritage : COBOL, télécopieurs et disquettes
L'infrastructure informatique du Japon est profondément ancrée dans les systèmes existants. Les administrations publiques et les grandes entreprises dépendent encore de logiciels obsolètes, notamment des systèmes financiers basés sur COBOL datant des années 1970. En 2021, l'Agence numérique japonaise a signalé qu'un nombre important de bases de données du secteur public fonctionnent toujours sous COBOL, ce qui crée des inefficacités et des risques de sécurité.
La persistance des télécopieurs et même des disquettes dans les opérations commerciales essentielles reflète une réticence plus large à se moderniser. En 2022, le ministre japonais des Affaires numériques a publiquement critiqué la dépendance du gouvernement à l'égard des supports obsolètes et a promis de les éliminer progressivement, mais le changement est lent. Comparé aux États-Unis et à la Chine, où le cloud computing et l'intégration de l'IA sont généralisés, la dépendance du Japon à l'égard des technologies obsolètes continue d'entraver les progrès.
Innovation logicielle : La pièce manquante
Le Japon excelle dans le matériel – semi-conducteurs, robotique et électronique grand public – mais n'a pas réussi à traduire cette force en leadership logiciel. Contrairement aux États-Unis, qui abritent Apple, Google et Microsoft, ou à la Chine, où Tencent et Alibaba dominent, le Japon n'a pas d'équivalent de puissance logicielle mondiale.
Plusieurs facteurs y contribuent :
- Absence d'un écosystème de startups : Contrairement à la Silicon Valley, où le capital-risque alimente l'innovation à haut risque et à forte récompense, le financement des startups au Japon reste limité. Le marché informatique national est dominé par de grands conglomérats qui privilégient la stabilité aux avancées disruptives.
- Industrie du logiciel fragmentée : Les entreprises de logiciels japonaises ont tendance à se concentrer sur le service aux entreprises clientes nationales avec des systèmes propriétaires, ce qui limite leur capacité à se développer à l'échelle mondiale.
- Portée mondiale limitée : La plupart des grandes entreprises informatiques japonaises ne se développent pas agressivement à l'étranger, ce qui réduit leur empreinte concurrentielle sur le marché mondial.
Culture d'entreprise : Aversion au risque vs. Innovation
L'environnement des entreprises japonaises est souvent décrit comme hiérarchique et conservateur. La prise de décision est lente, avec des approbations requises à plusieurs niveaux de gestion. Cette culture d'aversion au risque contraste avec l'état d'esprit "échouer vite, itérer rapidement" qui prévaut dans la Silicon Valley et les stratégies de mise à l'échelle agressives observées en Chine.
Selon les analystes du secteur, cette culture décourage les paris technologiques audacieux, ce qui conduit à des améliorations progressives plutôt qu'à des innovations révolutionnaires. Le résultat ? Alors que les entreprises américaines et chinoises transforment les industries avec l'IA, le cloud computing et les solutions blockchain, les entreprises japonaises ont du mal à suivre le rythme.
Obstacles réglementaires et éducatifs
Les réglementations au Japon ont tendance à favoriser la stabilité plutôt que la disruption. Contrairement aux États-Unis, où les startups technologiques peuvent expérimenter avec un minimum d'obstacles réglementaires, les entreprises japonaises sont confrontées à des obstacles bureaucratiques qui ralentissent la transformation numérique.
De plus, le système éducatif japonais – bien que solide dans les fondamentaux techniques – met moins l'accent sur la pensée entrepreneuriale. Une enquête du ministère japonais de l'Économie, du Commerce et de l'Industrie a révélé que moins d'étudiants japonais poursuivent des études en génie logiciel et en recherche sur l'IA que leurs homologues américains et chinois. Cette pénurie de talents affaiblit encore la capacité du pays à innover dans le domaine informatique.
Perspectives d'investissement : Le coût élevé de la stagnation
Pour les investisseurs, l'industrie du logiciel japonais, qui évolue lentement, présente à la fois des risques et des opportunités :
- Risques : Les entreprises qui dépendent des technologies de l'information existantes risquent de perdre leur compétitivité sur le marché mondial. Sans modernisation, elles pourraient avoir du mal à intégrer les technologies émergentes comme l'IA, le cloud computing et la cybersécurité.
- Opportunités : Les récentes initiatives gouvernementales, telles que le projet de semi-conducteurs Rapidus, signalent une évolution vers la transformation numérique. L'attention renouvelée du Japon sur la fabrication de puces et l'infrastructure de l'IA pourrait créer de nouvelles pistes d'investissement.
Cependant, un véritable changement nécessitera plus qu'une intervention gouvernementale. Les chefs d'entreprise du secteur privé doivent adopter le capital-risque, favoriser l'entrepreneuriat et accélérer le développement de logiciels pour rester pertinents à l'échelle mondiale.
La voie à suivre : Le Japon peut-il rattraper son retard ?
Le secteur informatique japonais se trouve à la croisée des chemins. Le pays dispose des talents d'ingénierie, des ressources financières et de la réputation mondiale nécessaires pour rivaliser avec les États-Unis et la Chine en matière d'innovation logicielle. Mais sans changements structurels et culturels majeurs, son rôle dans l'économie numérique pourrait rester secondaire.
Pour combler le fossé, le Japon doit :
- Éliminer progressivement les systèmes existants : L'infrastructure informatique gouvernementale et d'entreprise doit passer à des technologies modernes et évolutives.
- Encourager les startups et le capital-risque : Un écosystème de startups prospère est essentiel pour une innovation disruptive.
- Adopter des pratiques d'entreprise agiles : Les entreprises doivent passer de hiérarchies rigides à des environnements dynamiques et preneurs de risques.
- Prioriser l'éducation logicielle : Les universités devraient mettre l'accent sur l'IA, le cloud computing et la cybersécurité pour former une main-d'œuvre prête pour l'avenir.
Le message est clair : Le Japon ne peut pas se permettre de rester une puissance matérielle avec une infrastructure logicielle faible. Le moment de la transformation numérique est venu, avant qu'il ne prenne encore plus de retard dans la course technologique mondiale.