Le point de vue de Holzmann : une baisse de taux modérée à l'horizon ?
Robert Holzmann, gouverneur de la banque centrale autrichienne et voix hawkish reconnue au sein du Conseil des gouverneurs de la BCE, a récemment suggéré que toute baisse de taux lors de la réunion de décembre serait probablement modérée. S'il a reconnu que l'inflation allait dans la bonne direction, Holzmann a également souligné qu'il y avait eu de récentes déviations à la hausse, indiquant que les pressions inflationnistes restaient une préoccupation. Il a estimé que la probabilité d'une baisse de taux n'était « pas nulle », mais a fait remarquer que les données disponibles ne soutenaient pas fortement une réduction significative.
Ces commentaires ont été faits quelques jours avant la période de silence de la BCE précédant la réunion prévue les 11 et 12 décembre. Le marché s'attend largement à une baisse de taux d'un quart de point lors de cette dernière réunion de l'année, mais les commentaires de Holzmann suggèrent qu'une approche plus prudente pourrait être adoptée. La trajectoire potentielle des taux, a-t-il souligné, est compliquée par les incertitudes géopolitiques persistantes, notamment les fluctuations des prix du pétrole, la volatilité du marché de l'énergie et les impacts potentiels des politiques mondiales – des facteurs qui pourraient tous entraîner de nouvelles augmentations de prix.
L'avis de Villeroy de Galhau : garder des options ouvertes pour une baisse plus importante
En revanche, François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France et membre du Conseil des gouverneurs de la BCE, a exhorté la BCE à rester flexible. Il n'a pas exclu la possibilité d'une baisse de taux plus importante en décembre, en fonction des données entrantes et des révisions des projections économiques. Villeroy a également suggéré que des baisses de taux supplémentaires pourraient être envisagées lors des réunions suivantes si la situation économique justifie une action plus énergique.
Cette ouverture à une baisse plus importante intervient dans le contexte de données économiques récentes montrant une baisse plus forte que prévu de l'activité économique dans la zone euro. Ce ralentissement a exacerbé les inquiétudes concernant la trajectoire économique de la région, entraînant une dépréciation significative de l'euro par rapport au dollar, reflétant les inquiétudes du marché concernant les perspectives de croissance futures.
Tendances de l'inflation : une situation complexe
En novembre, l'inflation dans la zone euro a atteint 2,3 %, légèrement au-dessus de l'objectif de 2 % de la BCE. Cette hausse était principalement due à des effets de base liés à la forte baisse des prix de l'énergie de l'année dernière. Cependant, les économistes n'interprètent pas cette augmentation comme indicative de pressions inflationnistes sous-jacentes soutenues. Ainsi, les chiffres récents de l'inflation ne risquent pas nécessairement de dissuader la BCE de baisser davantage ses taux. Holzmann a souligné que l'inflation « allait dans la bonne direction », malgré les récentes déviations, suggérant un certain optimisme prudent concernant l'objectif d'inflation de la BCE.
Facteurs géopolitiques : l'incertitude prédomine
Le contexte géopolitique reste un facteur majeur influençant les décisions de taux de la BCE. Holzmann a notamment indiqué que le contexte actuel – qui comprend la volatilité des prix du pétrole, les fluctuations plus générales du marché de l'énergie et les changements de politique potentiels des États-Unis – rend la trajectoire future des taux très incertaine. Il a souligné que la hausse des coûts de l'énergie, associée aux risques géopolitiques, pourrait compliquer les efforts de la BCE pour atteindre la stabilité des prix tout en soutenant la croissance.
Il est à noter que Holzmann a fait allusion aux impacts potentiels du climat politique américain, notamment en ce qui concerne la possibilité de politiques protectionnistes renouvelées sous l'administration Trump. De telles mesures pourraient poser des défis supplémentaires aux exportations de la zone euro, même si un euro plus faible améliore leur compétitivité mondiale.
Attentes du marché et implications plus larges
Les marchés financiers ont largement intégré une baisse de taux d'un quart de point pour décembre, mais l'ampleur du ralentissement économique de la zone euro a conduit certains à spéculer sur une réduction plus importante, d'un demi-point. Si la BCE décidait d'effectuer une baisse modérée, les analystes prévoient plusieurs résultats possibles :
- Dépréciation de l'euro : Une baisse de taux, même modérée, pourrait affaiblir davantage l'euro, entraînant des sorties de capitaux vers des devises à plus haut rendement comme le dollar américain. Cela serait bénéfique pour les exportateurs européens en améliorant leur compétitivité mondiale, mais cela pourrait également alimenter l'inflation, notamment pour les produits énergétiques importés.
- Marchés boursiers : La baisse des taux d'intérêt pourrait donner un coup de pouce à court terme aux marchés boursiers, notamment dans les secteurs sensibles aux coûts d'emprunt, tels que l'immobilier et les biens de consommation. Cependant, les préoccupations persistantes concernant la faiblesse de la croissance pourraient limiter toute reprise soutenue du marché.
- Rendements obligataires : Les rendements des obligations d'État de la zone euro devraient se comprimer davantage, les marchés intégrant probablement des politiques accommodantes continues. Les obligations d'entreprises de haute qualité pourraient également voir des spreads plus serrés, reflétant l'optimisme concernant la baisse du coût du capital.
Parties prenantes : qui sera affecté ?
Les décisions de taux de la BCE sont susceptibles d'avoir un impact sur diverses parties prenantes :
- Autres banques centrales : Une position accommodante de la BCE pourrait exercer une pression sur d'autres banques centrales, telles que la Réserve fédérale américaine, pour qu'elles réévaluent leurs stratégies de resserrement monétaire. Des politiques divergentes entre les grandes économies pourraient contribuer aux déséquilibres financiers mondiaux.
- Marchés de l'énergie : Holzmann ayant souligné les risques géopolitiques, tout mouvement significatif des prix de l'énergie pourrait poser des défis supplémentaires. Un euro plus faible, associé à des prix plus élevés du pétrole et du gaz, entraînerait probablement une augmentation des coûts pour les entreprises et les consommateurs de la zone euro, intensifiant les pressions inflationnistes.
- Entreprises et consommateurs : Les entreprises qui dépendent des importations d'énergie pourraient voir leurs marges bénéficiaires se rétrécir malgré les gains potentiels à l'exportation. Entre-temps, les consommateurs pourraient continuer à ressentir la pression de l'inflation persistante, notamment pour les produits essentiels comme l'énergie et l'alimentation, ce qui pourrait freiner la confiance des consommateurs dans son ensemble.
Tendances et considérations à long terme
L'approche prudente de Holzmann souligne les défis plus vastes auxquels est confrontée la zone euro. Le potentiel de protectionnisme commercial américain sous une administration Trump réactivée, associé aux tendances actuelles de déglobalisation, pourrait freiner les volumes d'échanges mondiaux, rendant les mesures de relance de la BCE moins efficaces pour stimuler l'activité économique transfrontalière.
De plus, les baisses de taux anticipées de la BCE pourraient offrir un soulagement à court terme, mais il est peu probable qu'elles résolvent les divergences structurelles au sein de la zone euro. Les économies périphériques, plus vulnérables, pourraient bénéficier de manière disproportionnée d'une baisse de taux, ce qui pourrait creuser l'écart entre les États membres plus forts et plus faibles.
Perspectives d'avenir : naviguer en eaux troubles
Les perspectives pour la BCE restent très incertaines, des responsables comme Holzmann préconisant la prudence et la flexibilité fondées sur les données. À court terme, les marchés financiers sont susceptibles de rebondir si une baisse de taux est annoncée, mais ils pourraient rapidement redevenir volatils à mesure que l'attention se portera sur les risques d'inflation et les facteurs géopolitiques.
À long terme, il existe un risque que les baisses de taux alimentent par inadvertance la stagflation – un scénario de croissance économique stagnante combinée à une inflation croissante – si elles ne réussissent pas à stimuler l'activité économique réelle. La BCE pourrait éventuellement être contrainte de resserrer sa politique de manière agressive si l'inflation dépasse les limites, déstabilisant davantage la fragile reprise économique.
En fin de compte, la capacité de la BCE à naviguer dans ces eaux troubles dépendra d'une approche disciplinée et axée sur les données, qui équilibre soigneusement le besoin de stimulation économique et les risques d'inflation et d'incertitude mondiale. Alors que les pressions géopolitiques et les disparités économiques au sein de la zone euro continuent de poser des défis importants, la décision de décembre de la banque centrale sera cruciale pour tracer la voie future de la politique monétaire de la région.