
La BCE prête à baisser ses taux de 125 points de base car les taxes américaines pèsent lourd sur la croissance de la zone euro
Alors que les tarifs douaniers mordent, la BCE est à la croisée des chemins : un cycle d'assouplissement de 125 points de base est-il inévitable ?
Alors qu'une nouvelle vague de tarifs douaniers américains se répercute sur l'industrie européenne, la Banque centrale européenne est soumise à une pression croissante pour agir de manière décisive. Un consensus croissant parmi les stratèges de marché se cristallise autour d'une prévision audacieuse : une réduction cumulative des taux de 125 points de base au cours des quatre prochaines réunions de la BCE. Cette prévision, autrefois considérée comme marginale, gagne en légitimité dans un contexte de détérioration des données économiques et de fissures profondes dans la confiance des entreprises de la zone euro.
La logique est simple et, pour certains, inéluctable : avec une compétitivité à l'exportation chancelante, une production industrielle en baisse et une inflation qui ne baisse pas assez vite, la BCE est tirée dans des directions opposées. Pourtant, dans le paysage actuel, où les vents contraires géopolitiques et commerciaux ont dépassé les attentes des décideurs, ne rien faire pourrait s'avérer plus dommageable que d'en faire trop.
Tarifs douaniers, croissance en chute libre et arguments en faveur d'un cycle de réduction agressif
Un nombre croissant d'économistes affirment que les tarifs douaniers imposés par les États-Unis exercent une pression plus forte que prévu, en particulier sur l'Allemagne, le moteur industriel de la zone euro, et sur l'Italie, qui reste structurellement fragile. Il en résulte une réaction en chaîne probable : baisse des exportations, réduction des dépenses d'investissement et réticence croissante des entreprises à embaucher ou à investir.
"Nous constatons une forte érosion des indicateurs de confiance," a déclaré un macro-stratège d'un fonds spéculatif basé à Francfort. "Les indices des directeurs d'achat dans le secteur manufacturier et même dans les services sont au rouge. La BCE n'aura pas le luxe d'un pivot lent, elle devra assouplir rapidement."
Les révisions de plusieurs sociétés d'études de marché indiquent désormais une croissance "très faible" au cours des trois prochains trimestres, une expression qui est revenue à plusieurs reprises dans les notes aux investisseurs et les briefings des observateurs de la BCE. Dans ce contexte, la notion de quatre baisses de taux (25 pb, 25 pb, 25 pb et une éventuelle finale de 50 pb) est de moins en moins considérée comme une spéculation et de plus en plus comme une adaptation pragmatique.
Échos des manuels de crise passés - et les nouveaux risques qu'ils entraînent
Les partisans de cette voie soulignent souvent le comportement historique des banques centrales. Dans les moments de choc extérieur, qu'il s'agisse de la crise de l'euro en 2011 ou des premières réponses à la pandémie, l'assouplissement agressif a souvent été le réflexe politique. La logique : stopper le déclin rapidement pour éviter d'ancrer les dynamiques récessionnistes.
Pourtant, les critiques avertissent que le paysage macroéconomique actuel n'est pas une simple répétition des cycles précédents. L'inflation, bien que se refroidissant dans certaines poches, reste obstinément élevée dans d'autres, en particulier dans les services et les paniers de base corrigés des variations énergétiques. Une séquence rapide de baisses de taux, selon eux, pourrait entraîner de nouveaux risques.
"La crédibilité de la BCE est liée non seulement à la stabilisation de la croissance, mais aussi au maintien de l'ancrage des anticipations d'inflation," a averti un économiste principal d'un groupe de réflexion basé à Bruxelles. "Un dénouement trop rapide pourrait entraîner une volatilité des devises et réduire l'efficacité à long terme des orientations monétaires."
Réévaluation de la zone euro : comment les marchés pourraient réagir
Si la trajectoire d'assouplissement prévue se déroule comme prévu, ses répercussions se feront sentir bien au-delà des couloirs politiques de Francfort.
Marchés boursiers : vents arrière temporaires ou réévaluation des risques ?
Des taux d'intérêt plus bas soutiennent généralement les valorisations boursières, en particulier pour les secteurs sensibles aux taux d'intérêt comme l'immobilier, les services publics et la consommation discrétionnaire. Les investisseurs sont déjà en train de se tourner vers les valeurs cycliques, s'attendant à ce que la relance monétaire relance la croissance des bénéfices.
Cependant, certains gestionnaires de portefeuille se préparent à la volatilité, en particulier si les baisses de taux ne se traduisent pas par une réelle reprise de la demande. Dans ce cas, l'euphorie initiale de l'assouplissement monétaire pourrait céder la place à la déception - et à une réévaluation.
Rendements obligataires et marchés du crédit : la soif de rendement rencontre l'aversion au risque
Les rendements des obligations souveraines de la zone euro ont déjà commencé à se comprimer en prévision. Un assouplissement de 125 points de base pourrait pousser les rendements réels en territoire profondément négatif, poussant les investisseurs encore plus loin sur la courbe des risques. Pourtant, les banques pourraient souffrir d'une compression des marges, surtout si la demande de prêts ne s'améliore pas en même temps.
"Une compression arrive," a noté un analyste de titres à revenu fixe. "Les prêts peuvent augmenter, mais pas nécessairement avec la qualité de risque que vous souhaiteriez à ce stade du cycle."
L'euro et les flux de capitaux : la divergence devient un moteur de volatilité
L'euro est susceptible de s'affaiblir en réaction au cycle d'assouplissement, en particulier si la Réserve fédérale américaine maintient une position neutre, voire hawkish. Cette divergence pourrait amplifier la volatilité des flux de capitaux, augmentant la pression sur la communication de la BCE et nécessitant une gestion habile des attentes.
Politique au-delà de la BCE : la puissance de feu budgétaire rejoindra-t-elle la lutte ?
Alors que la BCE donne le ton, les gouvernements nationaux devront assumer une plus grande part du fardeau si la croissance ne parvient pas à se redresser. Les économistes avertissent de plus en plus que la politique monétaire seule pourrait ne pas suffire à compenser les effets des chocs commerciaux extérieurs.
Une approche politique plus synchronisée, en particulier la coordination budgétaire entre les membres de la zone euro, pourrait être essentielle. Cependant, la fragmentation politique à Bruxelles continue d'entraver les réponses rapides.
"Les taux ne peuvent pas faire grand-chose," a déclaré un analyste d'un cabinet de recherche basé à Paris. "Sans dépenses budgétaires ciblées et réformes structurelles, les baisses de taux pourraient finir par ne servir à rien."
Inflation : le joker qui pourrait bouleverser l'ensemble des prévisions
Malgré les arguments convaincants en faveur de l'assouplissement, le scénario repose sur une seule hypothèse cruciale : que l'inflation continue de se modérer. Si la croissance des prix s'avère plus persistante que prévu, notamment en raison de contraintes de la chaîne d'approvisionnement ou de chocs sur les matières premières, la BCE pourrait être contrainte de suspendre ou de tronquer le cycle.
C'est là que la dernière baisse proposée de 50 pb devient conditionnelle, et non inévitable. Si l'inflation surprend à la hausse, une approche plus prudente prévaudra probablement, limitant l'assouplissement cumulé à 75 pb, voire l'arrêtant après la deuxième baisse.
Prévisions stratégiques : ma projection audacieuse et l'impératif d'allocation d'actifs
Tenant compte de tous les éléments, je maintiens la prévision suivante :
- Mi-mai 2025 : Une baisse de taux de 25 pb comme première salve, signalant l'urgence et brisant l'inertie politique.
- Réunions d'été et de début d'automne : Deux baisses supplémentaires de 25 pb à mesure que les données de croissance se détériorent et que les impacts tarifaires s'aggravent.
- Fin 2025 : Une baisse finale potentielle de 50 pb, sous réserve que l'inflation affiche une trajectoire baissière décisive.
Cela représente un assouplissement cumulé de 125 pb, une mesure qui pourrait remodeler les stratégies d'allocation d'actifs pour les investisseurs institutionnels. Les implications pour le marché sont multiples :
- Surpondérer : Les actions axées sur l'exportation, en particulier celles des secteurs de la fabrication, de l'automobile et des biens de luxe, qui devraient bénéficier à la fois d'un euro plus faible et d'une nouvelle relance de la demande.
- Sélectif sur le crédit : Le crédit d'entreprise de qualité peut offrir des spreads intéressants par rapport à la chute des rendements souverains, mais la prudence est de mise dans les tranches à haut rendement ou à faible notation.
- Sous-pondérer : Les titres à revenu fixe à longue duration et les institutions financières sensibles à la compression des marges d'intérêt nettes.
Surveillez les données, mais préparez-vous au changement
Les mois à venir mettront à l'épreuve à la fois la détermination de la BCE et la capacité de prédiction du marché. Les tarifs douaniers ne sont pas une nuisance passagère : ils représentent un changement structurel dans la dynamique du commerce mondial, et le cadre actuel de la zone euro semble mal équipé pour surmonter de tels chocs sans une intervention politique énergique.
Bien que les opposants à un assouplissement rapide soulèvent des points valables concernant l'inflation et la crédibilité, l'équilibre des risques penche désormais clairement vers l'action plutôt que vers l'inaction.
Pour ceux qui lisent l'échiquier macroéconomique avec discipline et clairvoyance, le signal est clair : les baisses de taux ne sont pas seulement probables, elles deviennent inévitables.
Alors que les décideurs hésitent, les marchés ne doivent pas le faire. C'est le moment où le positionnement en amont de la conviction politique permet de surperformer.