Le taux de chômage au Canada atteint 6,8 % malgré des gains d'emplois mitigés : conséquences pour les marchés, les salaires et la croissance future
Hausse du taux de chômage malgré la création d'emplois
En novembre 2024, le taux de chômage au Canada a augmenté de 0,3 point de pourcentage, passant de 6,5 % en octobre à 6,8 %. Cette hausse a porté le nombre total de chômeurs à 1,5 million, soit une augmentation de 276 000 par rapport à la même période de l'année précédente. Malgré cette hausse, l'économie canadienne a créé 51 000 nouveaux emplois, principalement dans le secteur public, qui a représenté 45 000 de ces postes.
Les gains d'emplois ont été notables dans des secteurs tels que le commerce de gros et de détail (+39 000 emplois), la construction (+18 000 emplois) et les services professionnels, scientifiques et techniques (+17 000 emplois). Cependant, le secteur manufacturier a subi des pertes importantes, perdant 29 000 emplois. Ce tableau mitigé des statistiques sur l'emploi indique que, si certaines parties de l'économie sont en expansion, d'autres peinent à suivre. De plus, les embauches dans le secteur privé se sont arrêtées, soulignant une dépendance à la croissance du secteur public.
Taux d'activité et croissance des salaires
Le taux d'activité a augmenté de 0,3 point de pourcentage en novembre, reflétant un afflux de personnes sur le marché du travail. Cependant, cette augmentation de la participation a également contribué à la hausse du taux de chômage, car le nombre de demandeurs d'emploi a dépassé le nombre d'emplois disponibles. L'arrivée de plus de personnes sur le marché du travail suggère une confiance croissante dans les perspectives d'emploi, mais cela ajoute également une pression sur la disponibilité des postes, contribuant à la hausse des chiffres du chômage.
En termes de croissance des salaires, les salaires horaires moyens ont augmenté de 4,1 % en glissement annuel pour atteindre 35,68 $. Bien qu'il s'agisse d'une augmentation saine des revenus, cela représente un ralentissement par rapport au taux de croissance d'octobre de 4,9 %, soulignant des contraintes potentielles dans la dynamique salariale alors que l'incertitude économique plane. Le ralentissement de la croissance des salaires suggère que les employeurs deviennent plus prudents quant aux augmentations de salaire dans le contexte de la crainte d'une éventuelle récession économique.
Emploi régional et tendances par âge et sexe
La croissance de l'emploi a été inégale à travers le Canada, avec des gains en Alberta (+24 000 emplois), au Québec (+22 000 emplois), au Manitoba (+6 600 emplois) et à l'Île-du-Prince-Édouard (+2 700 emplois). Cependant, l'Ontario a connu une hausse de son taux de chômage, qui a augmenté de 0,8 point de pourcentage pour atteindre 7,6 %. L'augmentation significative du taux de chômage en Ontario met en évidence les disparités régionales en matière de reprise économique et de création d'emplois.
Le chômage des jeunes a également connu une forte augmentation, grimpant de 1,1 point de pourcentage pour atteindre 13,9 %. Chez les femmes en âge de travailler (25-54 ans), le taux de chômage est passé à 5,8 %. En revanche, l'emploi des hommes en âge de travailler a augmenté de 45 000, tandis que les femmes âgées de 55 à 64 ans ont subi une baisse de 20 000 emplois. Ces disparités soulignent l'impact inégal des conditions actuelles du marché du travail sur les différentes catégories démographiques, les jeunes travailleurs et les femmes plus âgées étant confrontés à des défis particuliers. Le taux de chômage des jeunes, en particulier, suscite des inquiétudes quant au développement de carrière à long terme et à la participation économique des jeunes Canadiens.
Décision de taux d'intérêt de la Banque du Canada et impact sur le marché
La hausse du chômage, malgré la création d'emplois, a incité les analystes à spéculer sur les prochaines mesures de politique monétaire de la Banque du Canada (BdC). Les économistes s'attendent désormais à une baisse importante des taux d'intérêt, un sondage Reuters indiquant que 80 % des répondants prévoient une réduction de 50 points de base lors de la réunion du 11 décembre, ramenant le taux directeur à 3,25 %. Ce serait la deuxième réduction consécutive de cette ampleur, visant à stimuler la croissance économique dans le contexte des signes d'un affaiblissement du marché du travail.
Le rapport sur le marché du travail a également eu un impact sur le dollar canadien (CAD), qui a atteint son plus bas niveau en près de neuf ans. En début d'après-midi, le CAD s'établissait à 1,415 par USD, contre 1,406 avant la publication des données sur l'emploi de novembre. Cette dépréciation reflète les anticipations du marché concernant des baisses de taux agressives de la part de la BdC et une incertitude économique accrue. La faiblesse du CAD exerce une pression sur les importations, augmentant les coûts pour les entreprises et les consommateurs, et pourrait contribuer aux pressions inflationnistes dans les mois à venir.
Implications économiques plus larges
Les chiffres du chômage laissent entrevoir des faiblesses sous-jacentes de l'économie canadienne. Malgré les fortes créations d'emplois, la hausse du chômage suggère que la croissance économique pourrait stagner. La disparité entre l'offre et la demande de main-d'œuvre reflète une tendance possible à la récession, car de plus en plus de Canadiens se lancent à la recherche d'un emploi sans possibilités correspondantes.
Les marchés des changes ont réagi fortement à cette situation. Le dollar canadien, sous pression en raison de la baisse de la confiance des investisseurs et des attentes de baisse des taux, favorise les industries fortement axées sur l'exportation, comme les ressources naturelles et la foresterie. Cependant, cela a un coût : les prix à l'importation augmentent, contribuant à des pressions inflationnistes potentielles. L'écart entre les rendements des obligations canadiennes et américaines s'est également creusé, reflétant les préoccupations concernant la divergence économique entre les deux pays. De plus, l'écart historiquement large entre le bon du Trésor à 2 ans et l'obligation de référence canadienne à 2 ans souligne les préoccupations accrues concernant l'orientation de l'économie canadienne.
Dynamique sectorielle et impacts sur les parties prenantes
Certains secteurs sont susceptibles de bénéficier du contexte économique actuel. Les industries fortement axées sur l'exportation pourraient enregistrer des gains, car la faiblesse du CAD améliore leur compétitivité. Le secteur de la construction, qui a connu une augmentation des emplois, pourrait également bénéficier d'éventuelles initiatives de stimulation fiscale. Cependant, le secteur manufacturier, qui a perdu 29 000 emplois, est confronté à des défis liés aux ralentissements économiques mondiaux et à la force du dollar américain, qui rend les exportations canadiennes moins compétitives.
Le gouvernement pourrait devoir intervenir avec des mesures fiscales ciblées pour atténuer la hausse du chômage, en particulier parmi les groupes vulnérables comme les jeunes travailleurs et les femmes. La hausse du chômage chez les jeunes et les disparités régionales, comme le taux plus élevé de l'Ontario, pourraient inciter le gouvernement à mettre en œuvre de nouveaux projets d'infrastructure ou un soutien ciblé aux secteurs en difficulté. Parallèlement, les entreprises sont confrontées à un environnement bifurqué : celles qui dépendent des importations verront leurs coûts augmenter, tandis que les exportateurs pourraient prendre l'avantage. La modération de la croissance des salaires pourrait contribuer à atténuer les pressions sur les marges pour certaines entreprises, mais pourrait également signaler une baisse du pouvoir d'achat des consommateurs.
Prédictions futures : tendances et risques
Pour l'avenir, plusieurs tendances et risques apparaissent. La dépendance du Canada à la croissance de l'emploi dans le secteur public, 45 000 des 51 000 nouveaux emplois provenant de ce secteur en novembre, soulève des préoccupations quant à la durabilité de ces gains d'emploi. De plus, la faiblesse du dollar canadien pourrait déclencher une inflation tirée par les importations, même si les pressions intérieures de base s'atténuent. La stratégie de la Banque du Canada visant à réduire les taux d'intérêt de manière agressive pourrait offrir un soulagement temporaire, mais il existe des risques d'alimenter des bulles d'actifs sur les marchés du logement et des actions.
Les économistes prévoient que la BdC continuera de réduire les taux d'intérêt jusqu'en 2025, avec au moins 75 points de base supplémentaires de réductions attendues d'ici la fin de l'année prochaine. Ces perspectives, combinées à des pressions externes potentielles telles que les tarifs américains sur les importations canadiennes et les fluctuations des prix du pétrole, suggèrent que le CAD pourrait subir une nouvelle dépréciation dans les mois à venir. La perspective de tarifs américains, en particulier, représente un risque important pour le secteur canadien de l'exportation et pourrait aggraver encore les défis auxquels sont confrontées les industries qui dépendent du commerce mondial.
Conclusion : naviguer dans un environnement économique complexe
La hausse du taux de chômage au Canada, malgré des créations d'emplois importantes, indique un environnement économique complexe et difficile. La Banque du Canada réagira probablement par des baisses de taux d'intérêt substantielles, ce qui pourrait apporter un soulagement à court terme, mais aussi comporter des risques d'effets économiques secondaires non intentionnels. Les parties prenantes, y compris le gouvernement, les entreprises et les consommateurs, doivent se préparer à une période de volatilité économique marquée par des fluctuations monétaires, une évolution de la dynamique du marché du travail et des politiques fiscales changeantes.
S'il existe des possibilités de croissance, notamment dans les secteurs axés sur l'exportation et les infrastructures publiques, les défis sont importants. La voie à suivre nécessitera une navigation prudente pour concilier les gains à court terme avec la stabilité économique à long terme. La hausse du chômage, notamment chez les jeunes et dans les régions clés, ainsi que les pressions sur le CAD, suggèrent que le Canada doit rester vigilant pour atténuer les perturbations économiques potentielles et assurer une croissance et une prospérité durables.